« Londres, vendredi après-midi
Reviens,
reviens, cher ami, seul ami, reviens. Je te jure que je serai bon. Si
j’étais maussade avec toi, c’est une plaisanterie où je me
suis entêté, je m’en repens plus qu’on ne peut dire. Reviens, ce
sera bien oublié. Quel malheur que tu aies cru à cette
plaisanterie. Voilà deux jours que je ne cesse de pleurer. Reviens.
Sois courageux, cher ami. Rien n’est perdu. Tu n’as qu’à
refaire le voyage. Nous revivrons ici bien courageusement,
patiemment. Ah, je t’en supplie. C’est ton bien d’ailleurs.
Reviens, tu retrouveras toutes tes affaires. J’espère que tu sais
bien à présent qu’il n’y avait rien de vrai dans notre
discussion, l’affreux moment ! Mais toi, quand je te faisais signe
de quitter le bateau, pourquoi ne venais-tu pas? Nous avons vécu
deux ans ensemble pour arriver à cette heure-là ! Que vas-tu faire?
Si tu ne veux pas revenir ici, veux-tu que j’aille te trouver où
tu es?
Oui c’est moi qui ai eu tort.
Oh tu ne m’oublieras pas, dis ?
Non tu ne peux pas m’oublier.
Moi je t’ai toujours là.
Dis, réponds à ton ami, est-ce que nous ne devons plus vivre ensemble ?
Sois courageux. Réponds-moi vite.
Je ne puis rester ici plus longtemps.
N’écoute que ton bon cœur.
Vite, dis si je dois te rejoindre.
À toi toute la vie.
Rimbaud. »
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