S'il est un Allemand qui réussit prodigieusement dans l'art de renouveler l'art (d'ailleurs, le pinceau et la peinture ne sauraient lui suffire (il emploie une multitude de matières)), c'est Anselm Kiefer. Je connais peu Kiefer, mais plus j'observe ses toiles, plus il me fascine. Dans le tordu déraillement de ses oeuvres, je vois poindre une lumière. Si je me fie à une encyclopédie en ligne très connue, Kiefer affirme d'ailleurs : « Plus vous restez devant mes tableaux, plus vous découvrez les couleurs » Je vois du reste dans ses oeuvres des histoires. J'y vois ce qu'auraient pu être les poèmes de Rimbaud s'ils avaient été assujettis par une flamboyante tristesse. J'y décèle une unité sensée, même si le style est broussailleux.
Mais s'il est une oeuvre puissante qui frappe droit au coeur, alors c'est « Pluie d'étoiles » (aussi connue sous le nom de « Chute d'étoiles »). J'ai découvert cette oeuvre (et, ce qui n'est pas rien, Anselm Kiefer lui-même !) tandis que je lisais un magazine d'art il y a quelques années. Ma vie, à cette époque, n'était qu'une immense atrophie dont le seul luxe était une intense, furibonde, sincère rêverie ! Cette oeuvre, donc, résonnait en moi d'une façon particulièrement intime ; mais si l'on exclut l'observateur subjectif que je suis, cette toile est en soi vraiment perçante, très originale. C'est un contraste vertigineux. D'abord, la mort, ou ce qui a l'apparence de la mort ; et le rêve, ou du moins ce qui a l'apparence du rêve, c'est-à-dire un ciel miraculeusement étoilé. Les suggestions sont nombreuses ; et même le moribond (ou celui qui est déjà mort ?) semble les éprouver.
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